Quand la campagne devient périurbaine

maison de Floressas (avec l'aimable autorisation des propriétaires)
maison de Floressas (avec l'aimable autorisation des propriétaires)

Il y a peu, Floressas était une commune de "plateau" : l'espace y était ouvert sur les étendues et sur le ciel, autrefois domaine des moutons, de la vigne et des cultures maigres.

Les maisons y étaient sans clôture, comme il se doit, seulement parfois regroupées pour se protéger des ardeurs du soleil ou des vents froids du nord.

Les habitants étaient de même : ouverts.

 

On allait chez l'un chez l'autre, on pouvait passer en toute tranquillité près des maisons, ou couper au plus court au travers d'un terrain en friche, ou en bordure d'un champ ou d'une vigne, sans que cela ne gêne personne.

On évitait quand même, d'instinct, la maison où d'anciennes querelles oubliées avaient définitivement fâché les occupants.

 

On allait bavarder, boire un café sans même prévenir, s’entraider surtout si besoin était, parler de la pluie et du beau temps, cancaner parfois aussi sur l'un ou l'autre.

 

On commentait les décisions municipales, on s'insurgeait aussi sur ces mêmes décisions si elles ne plaisaient pas. On avait le sang vif et "rouge". Comme tout le sud-ouest d'alors. Et cela faisait partie du "paysage".

 

En moins de dix années, toute cette structure sociale a volé en éclat, toute l'âme de notre commune a été laminée.

 

Tout ce qui faisait de Floressas une commune où il faisait bon vivre, sans trop se prendre la tête, sans prétention aucune autre qu'une vie au calme au sein d'une nature simple et magnifique, tout cela tend à se dissoudre dans un climat de défiance.

Floressas : la Place Paul Froment et une des deux tours du château à l'arrière plan
Floressas : la Place Paul Froment et une des deux tours du château à l'arrière plan

Et depuis quelques temps les choses se sont accélérées. 

 

Quelle vague de fond a ainsi miné des fondements de plusieurs siècles d'existence ?

 

Bien sûr, entre 1980 et 1990, les premiers anglais et autres "néoruraux", dont je fais partie, sont arrivés et ont racheté quelques vieilles fermes et bâtisses, à prix fort souvent déjà, les ont restaurées pour les rendre confortables mais sans trop toucher à l'apparence extérieure. Ces maisons de village pour certaines, ou de pleine campagne pour d'autres, étaient faites de matériaux traditionnels et étaient bâties avec des formes, et surtout des proportions, harmonieuses. 

 

Mais depuis l'an 2000 un virage s'est amorcé. Dès lors, le plus souvent, sitôt achetée, la maison est "cassée" : on transforme, on ajoute, on agrandit sans se soucier de cette esthétique innée que nos anciens savaient. 

Il fut un temps où la mode était au pigeonnier, plus périgourdin que quercynois d'ailleurs, dont on affublait la moindre construction pour lui donner un air d'authenticité.

 

Le plus souvent désormais, l'on construit du neuf, du carré, du grand.

 

Toitures trop pointues, baies vitrées trop béantes, colonnades provençales, balcons baroques ou vérandas coloniales, bétons et crépis trop voyants, piscines immenses ou californiennes à débordements, dans un "pays" où l'eau est rare et donc précieuse.  

On a de la vue... mais on se plaint ensuite du vent qui balaie le plateau et pénètre partout !

On a coupé les arbres... mais l'on se plaint ensuite d'avoir trop de soleil l'été.

 

On arrache les genévriers, les prunelliers, les buis, et l'on plante du thuya : le béton vert des lotissements...

 

Floressas est-il donc voué à devenir, comme tant d'autres communes, une sorte de banlieue pavillonnaire, sans identité forte, sans histoire, où rien ne le distinguera des autres villages ?

 

Chacun a le nez dans son guidon, et les yeux rivés à l'écran de sa télévision, ou de son ordinateur (moi la première !) et l'on ne conteste même plus les travaux communaux qui démarrent dans l'indifférence générale !

Les voit-on seulement ?

 

Il y a 16 ans, pourtant, et pour ce motif-là, quelques floressacois faillirent en venir aux mains !

Le maire d'alors avait osé entreprendre des travaux sur "notre" château et y créer une "salle des fêtes" ! Les réunions publiques se multiplièrent et dans un climat houleux et délétère, personne ne voulut céder du terrain. 

Le pauvre homme y laissa son fauteuil de maire, et, j'imagine, quelques plumes.

 

Maintenant, "on" crépit la façade du château ôtant ainsi cette patine d'antan, légèrement irrégulière et rosée qu'un sable ferrugineux avait teinté dans la masse, sans se poser de questions ! Que va-t-il en être de la couleur de la peinture que l'on va badigeonner par-dessus ?

L'histoire ? On n'en a cure ! Qui se soucie du travail effectué par l'abbé Reilhé (Monographie) ?

Les études archéologiques menées sur ce château ? A quoi bon ?

Sait-on seulement qu'elles existent ? 

 

Rien ne risquait pourtant de s'écrouler, mais cette façade n'était pas "finie" et cela ne faisait pas "joli"... paraît-il !

"les goûts et les couleurs !..."

Floressas : façade du château en 2007  (credits photo quercy-photographie.com)
Floressas : façade du château en 2007 (credits photo quercy-photographie.com)

On ôte ainsi, sans aucun état d'âme, le caractère à la fois austère, imposant, rural et ancien, que l'on avait voulu mettre en valeur en décaissant l'ensemble du bâtiment.

 

On avait donné de la hauteur à notre château.

Finira-t-il en vulgaire bâtisse digne d'un lotissement ?

 

Où est passé ce Floressas d'autrefois, attesté par les cartes postales des années 50 où l'on voyait la route de terre se glisser entre les maisons, et où les floressacois s'en revenaient tranquillement de la messe, qui à pied, qui en bicyclette, tout à leur aise, l'esprit de ce Floressas-là est-il révolu ?

 

Il ne s'agit pas de vivre dans le passé mais d'en retenir le meilleur.

Floressas comme les autres villages accueille de plus en plus de familles désireuses de s'installer dans une maison individuelle qui présente des avantages qu'un appartement n'offre pas.

On le sait, l'accession pavillonnaire périurbaine répond à des aspirations sociales profondes.

 

En outre cette installation devrait permettre de renouer avec un environnement naturel. Et traditionnel.

Devrait...

 

Ainsi va la vie de notre siècle. Et il faut se résigner à être "moderne".

 

Mais doit-on perdre pour cela le sens des choses ancrées dans la vie et la terre ?

Doit-on se précipiter dans tous les travers de ce que notre société et ses médias omniprésentes tendent à nous présenter comme seul choix et seule vérité ?

 

Saurons-nous, malgré tout ceal, garder notre raison et notre bon sens ?


Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    H & M (samedi, 19 mars 2016)

    C'est bien vu !